Aurelia Lecourtier

Meet Aurelia Lecourtier  
Group Chief Financial Officer at Amundi

PORTRAIT LONG

Aurélia Lecourtier, CFO chez Amundi, s’est imposée en à peine deux ans au top management d’un fleuron de l’industrie financière française et leader incontesté de l’asset management en Europe. Une carrière d’excellence dans le secteur public avait préparé cette ascension. Ancienne conseillère et directrice de cabinet, Aurélia a évolué dans les hautes sphères étatiques, de la Cour des Comptes au Quai d’Orsay, de Bercy à Matignon. Pour nous, elle revient sur son parcours, guidée par un leitmotiv emblématique de son style : « Être sérieux… sans se prendre au sérieux! » Habituée des milieux où chaque jour apporte son lot de défis – et de rebondissements – le récit d’Aurélia vous emporte dans un tourbillon d’engagements... et de légèreté. 

Aurelia Lecourtier

Esquisse d’un parcours
2001
Ecole Nationale d’Administration 2000 Sciences Po Paris, Master en Sciences Politiques & Relations Internationales 2004 ministère des Finances 2008 conseillère du ministre des Affaires étrangères 2010 Secrétariat général du Gouvernement conseillère pour les affaires économiques 2015 Membre de la Cour des Comptes 2017-2021. Conseillère Comptes publics, Fonction publique et Réforme de l’Etat, cabinet du Premier Ministre 2019 directrice de cabinet du ministre de l’Action et des Comptes publics 2021-2023 Chief of Staff de la CEO Valérie Baudson, Amundi Depuis Novembre 2023. Group Chief Financial Officer, Amundi.

“J'ai été bercée par la République française.”
Aurélia Lecourtier le dit comme une évidence : “Mon père était diplomate, j’ai été bercée par la République française. (...) Le service public était une vocation.” Diplômée de Sciences Po et de l’Ecole Nationale d’Administration, elle a fait de l’excellence le dénominateur commun de son parcours. Avec une spécialisation en sciences politiques et relations internationales, elle débute sa carrière au ministère des finances. En 2008, elle rejoint le Quai d’Orsay comme conseillère du ministre. Ce chapitre marque son entrée dans l’univers des cabinets ministériels - couloirs feutrés, et dossiers brûlants, au cœur du réacteur institutionnel. Très vite, elle fait sa spécialité de ces fonctions uniques, aux sommets de l’exigence technique, portée par un goût prononcé pour le “versant politique du métier technocratique”. On excelle dans les sujets qui nous importent : cela ne fait plus aucun doute lorsqu’Aurélia évoque sa conviction dans la force du collectif : “Je crois moins dans le fait d’être guidé par une personne que dans les projets qui se construisent à plusieurs, au fait d’être intelligents tous ensemble. (...) L’équilibre des finances publiques est par exemple une vraie cause.” Ni la pression inhérente à ces rôles d’envergure, ni la naissance de quatre enfants, ne viennent ralentir la prise de responsabilité. En 2019, le leadership vient s’ajouter à une liste de compétences déjà longue, lorsqu’elle endosse le rôle de directrice de cabinet pour le ministre de l’Action et de Comptes publics. Des rôles de l’ombre qui l'exposent à une pression intense, et à un rythme effréné. Mais il n’y a qu’à échanger quelques minutes avec Aurélia Lecourtier pour pressentir sa grande force : un cocktail d’assurance, et d’humour. Volontiers, nous le saisissons.

“Être sérieux sans se prendre au sérieux”
Lorsqu’on lui demande ce qui lui fait tenir la distance, elle invoque une maxime empruntée à l’ancien Premier ministre Edouard Philippe : “Être sérieux, sans se prendre au sérieux”. En 2017, l'exposition d’Aurélia s’intensifie à hauteur de sa force d’impact. A Matignon, au sein du cabinet du Premier Ministre, elle accepte un poste de conseillère Comptes publics, Fonction publique et Réforme de l’Etat - successivement auprès d’Edouard Philippe et Jean Castex. "On a l’impression d’endosser le poids du monde sur ses épaules”, confie-t-elle. Plonger dans le grand bain gouvernemental ne laisse que peu de place à l’acclimatation, ce que résument les jours qui suivent son arrivée. Un pays ne dort jamais, son gouvernement non plus. Le lendemain de la prise de poste, un samedi, elle reçoit un appel du Secrétaire Général qui annonce une réunion... le dimanche, à 18h. Sujet ? “Les finances publiques”. “Là, le rythme cardiaque s’accélère” se souvient-elle. Pendant quatre années, Aurélia ne compte plus ses heures, et travaille au rythme de la machine institutionnelle. Mais le mantra reste. Être sérieux sans se prendre au sérieux... Elle fait ainsi de l’humilité sa meilleure alliée : “Mettre de la vie dans nos métiers parfois austères, c’est essentiel.”

Du public au privé : “Tout cela s’est passé en dix jours à peine”
Dumas situait le secret du politique dans deux principes : “savoir attendre” et “savoir agir”. Ces vertus, Aurélia les incarne en 2021 dans sa façon d’appréhender la suite. Peut-être parce que l'agilité inhérente au politique imprègne ceux qui s’en sont approchés au-delà des fonctions. D’abord l’action. Au terme de l’expérience à Matignon, elle décide de quitter le secteur public dont elle avait éprouvé les postes les plus centraux : "J’avais toujours eu en tête le souhait d’une expérience en entreprise.” Ce choix relevait pour beaucoup de la mission impossible - “On me disait ‘Personne ne t’attendra’.” Mais pas pour elle. Si Aurélia se dit volontiers “fataliste” en matière de carrière, les conditions étaient bel et bien réunies pour ce tournant audacieux : "Tout s’est passé en une dizaine de jours”. Soutenue notamment par Yves Perrier, ancien directeur général d'Amundi, c’est la nouvelle CEO Valérie Baudson qui lui offre l’opportunité de rejoindre cette pépite de la finance tricolore et européenne comme sa Chief of Staff. Puis la patience: ce rôle de création de cabinet, “quasiment sur-mesure (...) à un poste d’observation de premier choix” lui “donne le temps pour s’intégrer dans l’entreprise” et lui permet de faire face au défi qu’implique un tel saut dans le vide : “Je suis arrivée avec beaucoup d’humilité, il m’a fallu m’adapter (...) Mais je crois au fait de se mettre en déséquilibre pour reconverger.” Pari gagnant. Deux ans après son arrivée, elle se voit confier le poste opérationnel et technique de Directrice financière du Groupe : “Mes expériences passées m’aident à appréhender les contours de mon poste aujourd’hui.” De l’art de rebondir avec adresse!

“Je crois beaucoup à l’énergie qu’on impulse”
Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement... Aurélia a la parole précise et sans détour. Ce sens de l’efficacité, elle le transpose dans sa vision du leadership : “Faire simple à partir d’une matière complexe, c’est la qualité d’un leader” L’esprit de démystification et de synthèse permet selon elle d’impulser des politiques ambitieuses : “Actuellement, j’ai beaucoup d’experts de haut niveau autour de moi. Mon rôle est de mettre le débat dans la perspective globale, et de travailler avec eux sur la manière la plus rationnelle d’arriver là où on le veut collectivement” On retrouve ici l'empreinte des enjeux de politiques publiques, qui étaient l’essence même de ses fonctions à l’échelle étatique. Aurélia évoque un autre aspect central du leadership : toute réponse juste suppose une écoute attentive. L’attention aux individualités préfigure la force du collectif : “Il est essentiel de porter une attention aux équipes et de donner à chacun un rôle qui lui correspond.” En ce sens, elle salue l’approche de Valérie Baudson, qui lui a ouvert les portes d’Amundi: “C’est quelqu’un qui m'a donné ma chance, et dans mes fonctions actuelles, je matérialise tous les jours combien ce poste (chief of staff ndlr) m’a façonnée. (...) J’admire sa grande qualité managériale. » Une reconnaissance personnelle qui l’amène à conclure, comme pour elle-même, le leadership, “c’est faire grandir les talents!”

“Je suis une femme post it”
Mère de quatre enfants, âgés de dix-huit à neuf ans, Aurélia a mené de front la maternité et une carrière de haut niveau. En 2008, lorsqu’on lui propose son premier poste de conseillère, elle est déjà mère d’une petite fille, et enceinte de son deuxième enfant. “Pas de souci, on vous attend” s’entend-elle répondre lorsqu’elle prévient du terme imminent. Un joli pied de nez au plafond de verre, qui ne va pas sans son lot d’épuisement : “C’était un premier palier, je l’avoue”. La résilience a été de mise pour conjuguer deux rôles parmi les plus exigeants qui soient : être mère, qui plus est d’enfants en bas âge, et aux sommets de l’État. Aurélia a prouvé que c’était faisable. “C’est grâce à mes enfants” dit-elle, “ Je crois aussi que quand on aime ce que l’on fait, on trouve l’énergie et on transmet l’investissement et la passion dans le travail.” Au fil des années, elle a su ménager un certain équilibre : “Je suis devenue moins perfectionniste”, note-t-elle, précisant que son passage chez Amundi a aidé à un rythme un peu plus apaisé. Mais la dualité reste là : “J’ai en permanence deux cerveaux branchés (...) Je suis une femme post It !” lance Aurélia pour résumer le tout. Et nous voulons bien la croire : à ce stade de notre échange à distance, engagé pour elle dans les locaux d’Amundi, Aurélia s'est mise en route direction Londres, nous faisant passer en finesse de la vidéo à l’appel téléphonique ! Le multitasking, c’est assurément l’une de ses forces.

« Les femmes sont en train d’exploser le plafond de verre »
“L’émancipation féminine, le plus bel esclavage qu’on ait proposé aux femmes !” lance aussi Aurélia - formule culottée, certes, mais assez juste. Il est aisé de se laisser séduire par l’idée d’une conciliation idéale entre parentalité et travail. Rares sont les femmes qui croient réellement en cette possibilité, ce qu’elle souligne : “Les barrières, ce sont les femmes avant tout qui se les imposent.” Si Aurélia dit n’avoir "pas ressenti de frein lié au fait d’être une femme”, elle reconnaît la difficulté de résister au désormais trop célèbre syndrome de l’imposteur : “Ce n’est pas natif chez moi (...) Parler, imposer une vision... on n’arme pas forcément les femmes pour cela.” Selon elle, “il existe des barrières sociales et intellectuelles dès les années d’école, mais aussi dans la sphère familiale.” Si Aurélia n’a “rien d’une groupie”, souligne-t-elle avec humour, elle reconnaît les vertus des modèles. Elle évoque une réflexion qui a le mérite de balayer efficacement la plupart des doutes pouvant assaillir une femme : « Imagine un homme à ta place, il ne se poserait pas autant de questions! » Malgré tout, Aurélia dit sa confiance dans l’avenir : “Les femmes ont beaucoup progressé depuis dix, quinze ans. (...) elles sont en train d’exploser le plafond de verre!" Et d’en revenir, encore et toujours, au collectif : “Il faut aussi prendre garde à ne pas décourager les hommes plus jeunes (...) Je crois avant tout dans la diversité”. Au fond, tout semble reposer sur l’affirmation d’un style unique, quel qu’il soit tant qu’il est nôtre, et d'en faire, comme ce fut le cas dans sa carrière, la force de tous. Laissons-lui le mot de la fin, qui contient le secret des plus grands : “Après tout, j'ai la liberté de devenir qui je suis!”

L’ITW A 1000 À L’HEURE DE WIF!
La première chose à laquelle vous avez pensé ce matin en vous réveillant ?
Comme tous les matins, aux mille détails de la journée au travail et pour la maison

Votre plus grande fierté ?
Mes enfants … mais aussi quelques objectifs professionnels comme d’avoir œuvré au premier plan pour sortir la France de la procédure de déficit publics excessifs en 2018 lorsque j’étais conseillère à Matignon. Mon rôle de CFO chez Amundi aussi où je m’enrichis chaque jour !

La femme qui vous inspire ?
Toutes les femmes m’inspirent … et j’aime m’enrichir des expériences de vie au gré de mes rencontres.

L’homme qui vous inspire ?
Les grands bâtisseurs m’inspirent … aussi bien les grands serviteurs qui ont façonné la France comme Sully, Colbert que les grands capitaines d’industrie, ceux en particulier du IIème Empire, les Pereire ou Haussmann

La meilleure astuce anti-stress ?
La respiration et la pensée positive.

La valeur qui vous tient le plus à cœur ?
L’engagement parce que c’est avec cela qu’on va loin.

Votre dernier voyage ?
La Sicile avec mes enfants cet été : une magnifique découverte de cette île où se mélangent toutes les grandes cultures méditerranéennes.

Votre prochain voyage ?
L’Asie … pour son énergie

Le voyage de vos rêves ?
Il y en a mille : Retourner au Japon où j’ai passé une partie de mon enfance, parcourir la savane africaine ou le sud des Etats-Unis. Mais tout ça forcément en famille !

Votre dernier défi sportif ?
Ma vie quotidienne est un sport !

Votre prochain défi sportif ?
Ma journée de demain !

Votre sport favori ?
J’aime les sports qui mélangent performance sportive et évasion : le Pilates ou le yoga

Votre plus grand défaut ?
J’ai tendance à faire confiance … et je n’aime pas être déçue ou trahie !

Votre plus belle qualité ?
L’humour … avec le rire tout devient plus facile

Que nous diraient vos proches de vous ?
Qu’ils peuvent compter sur moi, surtout dans les coups durs

Un souvenir marquant ?
Je vis avec beaucoup de bons souvenirs : des moments professionnels enthousiasmants, des souvenirs en famille … je m’y ressource dans les moments plus compliqués

Le film qui vous a inspiré ?
Amadeus: sa musique m’émeut énormément ainsi que la figure du génie absolu qu’était Mozart

Une sortie culturelle à nous conseiller ?
Paris Photos … j’adore la photo. Cette année l’exposition a réintégré le Grand Palais enfin rénové : un écrin magnifique

Une lecture inspirante ?
Le livre d’une amie psychiatre lu récemment qui raconte les scènes de vie de femmes souvent migrantes et de leur parcours difficile. (Les patientes de Sarah Stern)
Une leçon et vie et d’humilité, qui pose les problèmes parfois insolubles de nos sociétés

Votre mantra ? Citation favorite ?
Être sérieux sans se prendre au sérieux … empruntée à mes années à Matignon avec Édouard Philippe et notre équipe

Le conseil le plus inspirant que vous avez reçu ?
Souris et la vie te sourira … un conseil de ma mère !

Et pour finir, celui que vous auriez aimé recevoir ?
Cultive tes passions et tes talents.
J’aimerais parfois avoir plus de temps pour cultiver des passions artistiques ou écrire.